Laure Daussy dénonce "la fabrique des filles faciles" dans son livre "La Réputation"
Journaliste d’investigation et reporter à Charlie Hebdo, Laure Daussy présentera, mardi 9 janvier, à la librairie toulousaine Ombres Blanches, son dernier ouvrage, l’édifiant « La Réputation », publié aux Echappés, la maison d’édition de l’hebdomadaire satirique.
Le point de départ de l’enquête de Laure Daussy se situe dans l’Oise, à Creil, où Shaïna Hansye, jeune fille de 15 ans, fut poignardée et brûlée vive par son petit ami en 2019. En ouvrant la focale depuis cet abject féminicide, la journaliste est allée interroger femmes et hommes dans les quartiers populaires de Creil, où les rumeurs, la menace de la réputation de « fille facile » font des ravages auprès des adolescentes. « Ce qu’a vécu Shaïna est le pire qu’une adolescente peut vivre, observe Laure Daussy. Elle a été agressée sexuellement à l’âge de 13 ans, tabassée dans la rue quelques mois plus tard – sans doute pour la « punir » d’avoir porté plainte - et, enfin, deux ans plus tard, tuée de façon atroce. Les deux affaires sont liées car, à l’issue de l’agression sexuelle, les adolescents ont propagé dans toute la cité l’anathème de fille facile ».
Violée puis tuée
Les paroles relevées font froid dans le dos : si le meurtre est indéfendable, le viol de la jeune fille est minimisé : « elle l’avait un peu cherché ». « Il y a eu certaines failles, dénonce la journaliste. Shaïna n’a au départ pas été crue par la police ou la justice, qui ont beaucoup remis sa parole en cause. » Le poids du patriarcat, à Creil comme ailleurs, car Laure Daussy « universalise » son propos à la cause des femmes en général, et non seulement des jeunes filles des « quartiers », écrase ces dernières : « Des garçons m’ont dit qu’ils respectaient les filles qui ont un grand frère » rapporte-t-elle. Une fille sans grand frère devient une proie et, qu’elle « couche » à un jeune âge ou refuse les avances des garçons, l’épée de Damoclès est toujours là, au-dessus de sa tête : « On assiste à un véritable recul et de nombreuses femmes de 50 ou 60 se disent effarées que ces choses-là perdurent : « On s’est battues contre cela », me disent-elles, en pointant notamment l’injonction à la virginité, le contrôle sur les vêtements, les petits copains etc. »
Une enquête rigoureuse
« La réputation » est un livre dont on ne sort pas indemne. Un choc, une claque. La rigueur de l’enquête et l’empathie pour les personnages auxquels Laure Daussy donne la parole – eux qui ne l’ont rarement – interrogent et bouleversent, sans pathos, toujours à bonne distance. « Les actrices, les journalistes ont accès aux médias et s’expriment librement, surtout depuis #MeToo, note la journaliste. Les jeunes filles de Creil et d’ailleurs n’y ont pas accès, et j’espère que ce livre permettra de dévoiler l’ampleur des violences qui leur sont faites, et de libérer leur parole. » C’est dire si ce livre remarquable est important et essentiel.
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