Jacques Viguier déclaré définitivement innocent
DIAPORAMA -- Traits toujours tirés, tendu, Jacques Viguier expédie une ultime conférence de presse. Plus un passage obligé qu'une volonté de s'exprimer. Devant une trentaine de médias, hier, qui ont transformé le bureau de Me Levy, à Toulouse, en salle de presse, la phrase est mécanique, rapide : « Nous avons vécu dix années d'horreur, je suis très heureux de ce résultat. Nous avons besoin de nous reconstruire. Nous vous demandons, mes enfants et moi, de nous laisser en paix ». Jacques Viguier se lève, tourne les talons et disparaît par une porte dérobée.
Depuis la disparition de son épouse Suzanne, le 27 février 2000, cet homme répète inlassablement la même chose : « Je suis innocent ». En hurlant, comme lors d'un premier transport sur les lieux avec la juge d'instruction Myriam Viargues à l'automne 2000, ou de manière plus policée, mais tout aussi déterminée, devant la chambre de la cour d'appel de Toulouse au printemps 2005.
À l'époque il affirmait qu'il ne serait pas renvoyé devant une cour d'assises. « Y a rien, rien », nous avait-il confié. Ses avocats de l'époque, Mes Catala et Leclerc ferraillaient face aux magistrats de la chambre d'instruction pour obtenir plus de précisions dans l'enquête à travers des suppléments d'information portant par exemple, sur Olivier Durandet ou sur le mystère du portefeuille de Suzanne Viguier retrouvé on ne sait où et récupéré par on ne sait quel policier…
Un manqué parmi d'autre qui illustre les failles d'une enquête où la « conviction policière » n'a résisté ni à l'analyse, ni au temps et encore moins aux ratés du mois de mars 2000. Trop attachés aux incohérences de Jacques Viguier, que n'importe quel policier aurait jugé immédiatement « suspectes », ils ont oublié la base de toutes investigations : fermer les portes, toutes les portes. Celle de Durandet, celle d'un improbable harceleur, celle d'un inconnu qui déposait des roses sur le pare-brise de la voiture de Suzanne Viguier.
Des impasses ? Probablement. Encore aurait-il fallu le démontrer. Et comment analyser la surprise du commissaire Saby découvrant dix ans après à la barre de la cour d'assises du Tarn une écoute défavorable à son suspect préféré ! La police a failli, la juge d'instruction « trois étoiles au guide Michelin de la police », s'est moqué Me Dupond-Moretti, également.
Et la justice ? Elle va devoir indemniser Jacques Viguier. Hier, il a annoncé qu'il souhaitait une « petite » réparation matérielle pour compenser ses neuf mois de détention. Elle ne gommera pas dix ans de soupçons. « Il n'est pas acquitté au bénéfice du doute, ni grâce à ses enfants. Il est acquitté car il est innocent », insiste Me Jacques Levy. Le procès, qui vient de se dérouler pendant trois semaines devant les assises du Tarn a en effet démontré qu'il n'y avait pas dans le dossier les preuves de la culpabilité de Jacques Viguier. Ce procès long, méthodique, précis a sans doute sauvé la justice d'un nouveau naufrage. Sans impasse, objectif, serein, il a permis un vrai jugement. Un jugement incontestable. De fait, hier soir, le Parquet général confirmait qu'il n'y aurait pas de pourvoi en cassation.
Jacques Viguier a été acquitté. Jacques Viguier est innocent. Son épouse Suzanne, la mère de ses trois enfants fait toujours l'objet d'une fiche de recherche de la police ,renouvelée tous les six mois. Elle a disparu depuis dix ans et vingt-deux jours.
Merci M. le Président
« Bonjour Monsieur Viguier... » Tous les matins, pendant trois semaines, Jacques Richiardi a ouvert par cette simple formule de politesse le procès du professeur de droit toulousain. Un détail ? Peut-être. Mais ce magistrat dont on connaissait la force de travail, la qualité d'analyse des dossiers a offert un supplément d'âme à cette histoire qui a coupé une famille en deux.
Pendant les débats, le magistrat n'a rien lâché, rien épargné. Jacques Viguier a été questionné, secoué, placé devant les incohérences de ses réponses. Les meilleurs ennemis du professeur, le commissaire Saby et Olivier Durandet ont eux aussi dû justifier leurs convictions et leurs faux-semblants. Le président a aussi joué les arbitres, souvent avec humour, quand Mes Szpiner et Dupond-Moretti se houspillaient à coup de formules chocs.
Jacques Richiardi, 56 ans et désormais 331 dossiers d'assises présidés, a été un grand président, unanimement et largement salué. C'est mérité. De ces trois semaines et seize audiences, nous garderons une image en mémoire : ce président accueillant avec un large sourire, presque complice, les enfants de l'accusé à la barre. Ça transpirait d'humanité. C'était une main tendue aux trois victimes de ce drame et une image de la justice qu'ils ne connaissaient pas. Une justice humaine loin de la justice du quotidien si expéditive, si pressée, si décriée. Merci M. le président.
Procès de Jacques Viguier : jugé en appel à Albi
Procès en appel de Jacques Viguier |
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Vue de plusieurs dossiers de l'accusation, le 15 mars 2010, dans la salle d'audience de la cour d'assises du Tarn avant l'ouverture de la deuxième semaine du procès de Jacques Viguier, l'universitaire toulousain jugé en appel pour le meurtre de sa femme disparue depuis février 2000. |
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