DOSSIER. Après une série de couacs : Météo France tousse, les prévisions s’enrhument
Depuis novembre 2023, le déploiement d’un nouveau système baptisé 3P pour « programme prévision production », très décrié en interne, et son outil Alpha, ont conduit Météo-France vers l’automatisation de ses prévisions pour son site internet et son application. Mais de stupéfiantes erreurs entachent la réputation de l’institution qui va devoir rapidement corriger le tir.
28 °C annoncés à Strasbourg un 9 décembre, de la neige prévue à Briançon sous une température de 9 °C, afficher un temps sec alors que la pluie tombe depuis des heures... Autant de prévisions météorologiques erronées avancées par Météo-France qui ont suscité des moqueries sur les réseaux sociaux ou une vraie colère, comme chez les automobilistes franciliens bloqués par un fort épisode de neige dans la nuit du 8 au 9 janvier, épisode que l’application Météo-France n’avait pas signalé. Le lendemain, le ministre des Transports Clément Beaune n’avait pu que dénoncer le manque d’anticipation de l’organisme public, sous tutelle du ministère de la Transition écologique.
Ces surprenants couacs à répétition interrogent légitimement les Français sur la fiabilité des prévisions météorologiques et entachent la réputation de Météo-France où s’enchaînent les grèves. Les syndicats dénoncent, en effet, la mise en place, le 13 novembre dernier par la direction, d’un nouveau système baptisé 3P pour « programme prévision production » qui serait responsable de ces couacs en série. En cause, un outil baptisé Alpha, qui permet de générer des prévisions automatiques, qui alimentent ensuite directement le site et l’application Météo-France – le passage en vigilance ne se fait en revanche pas automatiquement. Jusqu’en novembre, ces prévisions n’étaient pas publiées sans la validation d’un prévisionniste interrégion dans l’un des sept bureaux de Météo-France.
1500 postes supprimés en 15 ans
Depuis, une seule personne, basée à Toulouse, peut rectifier les prévisions d’Alpha ; une mission jugée impossible pour une seule personne par les syndicats qui dénoncent la baisse des effectifs. "Depuis la bascule, les produits de prévision se sont largement détériorés. Des conditions de travail se sont dégradées, parfois jusqu’à l’insupportable", écrivait la CGT. "Dès l’annonce du projet par la Direction Générale de l’époque, au départ prévu sans aucune intervention humaine, les organisations syndicales ont alerté sur les conséquences pour le service rendu à nos usagers au sens large. Une analyse des risques a même été produite, pilotée par l’encadrement intermédiaire. Pendant plus de 5 ans, les représentants du personnel ont signalé que le projet, piloté essentiellement par les baisses d’effectifs, était dangereux, dogmatique et irréalisable dans les délais et avec les moyens impartis", poursuit le syndicat qui rappelle par ailleurs "la suppression de 1 500 postes en 15 ans" – des recrutements ont modestement repris avec 23 postes créés en 2023 et 25 qui le seront cette année – et le fait que la mise en œuvre de 3P a impacté négativement le développement d’autres programmes importants.
À la suite d’une réunion de conciliation le 6 mars, l’intersyndicale s’est réjouie que la direction générale "semble reconnaître – timidement et en employant le conditionnel, mais c’est une première – que l’organisation choisie n’est peut-être pas la bonne, et que la correction de la base de données de prévision centralisée n’est peut-être pas la bonne solution".
En tout cas pour Météo-France – qui a vu la subvention de l’État passer de 195,6 millions d’euros en 2012 à 179,1 en 2022 – il y a urgence à redresser la barre. D’abord pour rassurer les partenaires institutionnels – ministères, pompiers ou prestataires autoroutiers – comme le grand public de plus en plus avide d’informations sur la météo.
Météo-France n° 1 des sites et applications
Les sites et applications météo enregistrent, en effet, des records de fréquentation. Le rapport "Audience Internet global en France" de Médiamétrie estimait en août dernier qu’ils avaient attiré 31 millions de visiteurs uniques, 6 % de plus qu’en 2022, soit 1,7 million de personnes en plus. Au quotidien, 7,9 millions de visiteurs uniques ont consulté les prévisions météo en ligne, soit 12,4 % de la population, notait Médiamétrie.
Dans cet univers très concurrentiel où s’affrontent les applications, Météo-France était largement en tête attirant 14,66 millions de visiteurs mensuels en août 2023 (23 % des Français). Suivaient La Chaîne Météo (groupe Le Figaro) avec 8,823 millions de visiteurs (13,9 %), le Weather Group Network (8,77 millions, 13,8 %), l’allemand WetterOnline (3,54 millions, 5,6 %) et MeteoCity (groupe M6, 3,29 millions, 5,2 %). Autant dire que les erreurs de prévisions affichées sur l’application de Météo-France pourraient entamer sa première place.
Mais Météo-France doit aussi redresser la barre parce que les prévisions météo sont devenues des enjeux économiques – de plus en plus de secteurs s’appuient dessus pour conduire leurs activités, de l’agriculture au BTP – et stratégiques à l’heure des bouleversements que provoque le réchauffement climatique.
Il est temps pour Météo-France de corriger ses erreurs, de s’appuyer sur l’expertise de ses ingénieurs et salariés, pour que les couacs de ces derniers mois ne soient plus qu’un mauvais souvenir.
« Les principaux bugs corrigés » selon Météo-France
Ces principaux bugs ont été corrigés. Nous continuons à faire évoluer et à améliorer l’outil », a réagi récemment Météo-France interrogé par Le Parisien. Le service poursuivait : « Le suivi en continu ne décèle pas de dégradation de la qualité globale des prévisions suite au déploiement des nouveaux outils ». Le « taux de réussite à trois jours », calculé à partir des prévisions sur les douze derniers mois, serait resté autour de 80 % en décembre dernier précisait encore l’organisme à nos confrères. Sur son compte X, Météo-France assure que « l’expertise de nos 600 prévisionnistes conserve une place majeure.
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