"Ce sera la fin du pastoralisme" : alors qu'un rapport prévoit une population de 350 ours dans les Pyrénées dans 30 ans, la Fédération pastorale de l'Ariège alerte
Paru le 30 novembre dernier et d'abord passé inaperçu, un rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) demande aux autorités de se préparer à accueillir une population de 350 ours dans les Pyrénées d'ici 30 ans. Estimation "au doigt mouillé" ou fin du pastoralisme ? Réactions.
"Recommandation 1 aux autorités nationales, régionales et départementales : préparer les Pyrénées à la possibilité d'accueillir 350 ours à l'horizon de 30 ans, notamment sur les territoires où ils ne sont pas actuellement présents." Niché dans une note de trois lignes au début d'un rapport de 162 pages publié le 30 novembre dernier par le CGAAER, le chiffre est d'abord passé inaperçu, avant de susciter les réactions les plus vives chez les acteurs de l'agriculture et de l'environnement.
Installée à Arbas, un village tout proche de l'Ariège, l'association Pays de l'ours - Adet suit le plantigrade depuis sa réintroduction. "Est-ce qu'il y aura vraiment 350 ours dans 30 ans ? Je ne m'y engage pas, réagit sa présidente Sabine Matraire. En 1996, quand on a lâché les premiers ours dans les Pyrénée centrales, on estimait qu'il restait entre 5 et 8 ours en Béarn. Depuis, 11 ours ont été lâchés et en 26 ans, on en est à 76 ours détectés (90 selon l'Office français de la biodiversité, NDLR). En 26 ans, on a donc gagné 70 ours."
"90 % de la population d'ours des Pyrénées procède de deux femelles"
Car pour la défenseure du plantigrade, la véritable question n'est pas cette estimation, fondée sur une progression de la population d'ours de 10 % par an. "On sait qu'il y a une énorme consanguinité, pointe-t-elle. Nous avons revu récemment l'arbre généalogique et on voit que 90 % de la population des Pyrénées procède de deux femelles. Nous serions très heureux qu'il y ait 350 ours dans 30 ans, mais notre but est surtout d'arriver à un bon état démographique, mais surtout génétique de la population. Dans les Asturies, ils ont plus de 400 ours et ils ne considèrent pas que leur population est en bon état."
À l'autre bout du spectre, Jean Guichou, ancien directeur de la Fédération des chasseurs de l'Ariège et président de l'Association des lieutenants de louvèterie du département, est convaincu que ce chiffre est sous-estimé. "On annonce 90 ours aujourd'hui, il y en a sans doute 120, lance-t-il. Alors bien sûr qu'il y aura 300, 400, 500 ours dans les Pyrénées dans 30 ans, avec des problèmes de plus en plus nombreux et des accidents mortels pour l'homme. Et ça ira même plus vite que ça, sauf si entretemps la politique de gestion change. On va inévitablement aller vers une régulation."
"La vérité, c'est qu'on n'en sait rien"
Pour lui, le sujet n'est pas d'être pour ou contre l'ours, une espèce qui se porte bien en Europe, mais que "la présence de l'animal soit conforme à la capacité d'accueil du territoire." Et c'est bien là où le bât blesse selon Alain Servat, le président de la Fédération pastorale de l'Ariège : "S'ils se concentrent comme ils se sont concentrés sur le Couserans, ce n'est pas viable, tempête-t-il. Si aujourd'hui on ne prend pas de mesures avant d'arriver à ce chiffre, ce sera une catastrophe pour les Pyrénées et ce sera la fin du pastoralisme."
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Sabine Matraire l'affirme pourtant, "ce n'est pas parce que la population croît qu'il y a plus de dégâts, et les moyens de protection à mettre en place sont les mêmes." Une vision que ne partage pas Alain Servat : "Quand on voit ce qui se passe avec 70 ours, je ne suis pas pessimiste, je suis seulement réaliste. On pourra mettre toutes les mesures de protection qu'on veut, aujourd'hui on voit que même les estives sur lesquelles on a trois mesures de protection sont impactées, ça ne changera rien."
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"Les patous, les clôtures, c'est une artificialisation insupportable du territoire", juge pour sa part Jean Guichou. Mais pour Sabine Matraire, le débat n'y change rien. "Avec la consanguinité, il peut y avoir un pic de population, puis une descente assez fulgurante. La vérité, c'est qu'on n'en sait rien. Même savoir combien il faudrait d'ours pour que la population soit viable, on est incapable de répondre. Alors 350 ours..."
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