Le Tarn au temps des Cathares : à Albi, une cathédrale au cœur du Pays Cathare
En 2010, dans son ouvrage « Albigeois et Cathares », Fernand Niel note : "Cette ville semble même avoir été l’une des moins atteintes et ses habitants fourniront de forts contingents, aux milices levées pour combattre les protecteurs des hérétiques".
Alors, pourquoi parler d’Albigeois pour nommer les Cathares ? "Ce que l’on a pu appeler l’épicentre du catharisme occitan est un quadrilatère dont les sommets sont Toulouse, Albi, Carcassonne et Foix, autrement dit le Lauragais et les terroirs qui le bordent. Là, village par village, on peut pénétrer dans la société hérétique", écrit l’historien et écrivain Michel Roquebert dans « Histoire des Cathares ».
Une démonstration de la puissance catholique
Il est probable que le nom d'Albigeois soit dû à la tenue d’un concile à Lombers dans le diocèse d’Albi en 1165. Cette assemblée réunissait l’Eglise et les Cathares pour tenter de trouver une issue non sanglante à l’hérésie. Mais c’est bien à Albi, alors que la Croisade est terminée et que l’Inquisition depuis 1233, juge les hérétiques, que l’initiative est prise de construire la cathédrale Sainte-Cécile.
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Les catholiques qui dirigent la ville depuis peu de temps, veulent bâtir une cathédrale-forteresse qui soit une démonstration de leur puissance. Le chantier utilise la brique à dessein : il faut bâtir vite et pas cher. Le but est de montrer la puissance l’Église catholique, de protéger son sanctuaire par des murs épais et de montrer le sentiment de pauvreté en réponse au catharisme qui prône ce mode de vie.
Un temps resté parent pauvre de l'architecture destinée aux maisons, la brique conquiert sa noblesse dans un premier temps avec l'érection du palais de la Berbie et cette nouvelle cathédrale. À la tête de ce projet, l’évêque Bernard de Castanet, qui tout au long de son interminable épiscopat (1276-1308) mena un combat impitoyable contre l’hérésie.
Des opposants à Bernard de Castanet
Sa nomination par le Pape marque la volonté de redressement de l’autorité de l’Église au sein d’un diocèse où elle semblait bien mal en point. Il s’y emploie avec une politique de terreur, oubliant toute miséricorde. Cette implacable dureté vise à frapper les consciences, à convaincre de la puissance absolue du pouvoir épiscopal.
Les Albigeois les plus déterminés firent front contre cet évêque. Le premier opposant, le frère franciscain Bernard Délicieux était à l’opposé de l’Evêque d’Albi. Il incarnait une attitude exactement inverse de à l’égard des milieux qui s’étaient éloignés de l’Église.
Refusant de considérer comme hérétiques ces "chrétiens à problèmes", selon l’expression de l’historien J.-L. Biget, il s’est battu pour qu’ils aient une place légitime. Si ses talents d'orateur lui font soulever les foules, son énergie lui permet de réaliser une ligue anti-inquisitoriale avec Albi et Cordes, ou de se rendre à Senlis argumenter auprès du roi Philippe le Bel.
Albi restera en état de semi-insurrection pendant quelques années. C’est l’avènement du pape Clément V en 1305, peu favorable à l’Inquisition languedocienne, qui permit finalement aux Albigeois de se débarrasser définitivement de Bernard de Castanet
Saint-Cécile, symbole de la toute puissance de l’Eglise
Le contexte de l’édification de la cathédrale d’Albi est à la fois religieux et politique. En effet, au début du XIIIe siècle, l’évêque Bernard de Castanet souhaite réaffirmer la foi catholique et éradiquer le catharisme par la construction d’une nouvelle maison de Dieu.
Le choix de la brique n’est pas anodin : ce matériau rappelle la couleur de la chair ce qui va à l’encontre des croyances cathares pour qui Jésus, le fils de Dieu, n’était qu’un esprit pur et n’avait jamais pris la forme d’un homme. L’utilisation de la brique permettait donc de réaffirmer le dogme catholique.
Quant à cette forme brute et austère de forteresse, elle assoit la foi catholique dans une terre marquée par l’hérésie tout en montrant qu’il est possible d’être catholique en étant pauvre à une époque où le catharisme reprochait à l’église d’être riche, puissante et trop proche du pouvoir.
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