Le défi de l’eau : le Sud-Ouest a soif, quelles solutions pour éviter la catastrophe ?
130 000 km de rivière, l’agence Adour Garonne gère un tiers des cours d’eau en France. La faiblesse des débits et l’augmentation de la température de l’eau en font une région à risque avec le réchauffement climatique. Aujourd’hui, il faut 2,4 milliards de m3 par an pour satisfaire tous les usages. En 2050, il manquera 1,2 milliard de m3 par an, sauf si la ressource est mieux gérée.
64 % des Français craignent une pénurie d’eau dans leur région. Ils n’étaient qu’un tiers il y a 25 ans (1). Et ils ont raison de s’inquiéter. Le bassin Adour Garonne, qui approvisionne aujourd’hui 8 millions d’habitants, devra faire en sorte de satisfaire tous les usages pour 9,5 millions d’habitants en 2050, sans compter les touristes. C’est déjà compliqué avec 2,4 milliards de m3 prélevés chaque année (2), sachant que 34 % vont à l’eau potable, 43 % à l’agriculture et 23 % à l’industrie. Alors imaginez avec le réchauffement climatique et le déficit attendu de 1,2 milliard de m3 dans trente ans !
Après moi le déluge diront ceux qui n’ont pas envie de faire dès maintenant les efforts qui préserveront les générations futures. Erreur. Le Sud-Ouest a déjà soif.
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Plusieurs villes de la région ont dépassé les 40° mi-juin avec plusieurs jours d’avance sur les records historiques. Des records en cascade que Guillaume Choisy n’a pas pu ignorer lorsque, le 17 juin, il a présenté l’opération « Odyssy » destinée à sensibiliser les jeunes sur la gestion de la ressource. « On a commencé à réalimenter comme jamais on a réalimenté, avec un mois et demi d’avance. Aujourd’hui, on a à peu près les débits moyens qu’on a début août », avait avoué le directeur général de l’Agence de l’eau Adour Garonne, disant s’attendre à avoir « une année difficile ». Depuis, décision a été prise d’effectuer un lâcher d’eau dans la Garonne le 1er juillet, avec plusieurs semaines d’avance sur l’usage estival. Ou quand la canicule ajoute des difficultés aux difficultés.
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Seulement 47 % des masses d’eau de surface en bon état écologique
« On s’attend à ce que les débits baissent de 30 à 40 % pour les gaves d’ici 2050, et même de 50 % si l’on se fie au dernier rapport du Giec », prévient un Guillaume Choisy plus rassurant sur le bassin-versant du Lot, qui semble relativement préservé par l’impact des baisses de débit prévues à l’horizon 2050. N’empêche, dans le Sud-Ouest, le débit moyen est déjà sept fois moins important que le débit du Rhône, ce qui veut dire une concentration plus forte des polluants en rivières et donc, forcément, une vulnérabilité accrue au changement climatique dans une région où seulement 47 % des masses d’eau de surface sont en bon état écologique.
Ressource en eau moins abondante et plus variable, dégradation de la qualité de l’eau des rivières – notamment par manque de dilution –, biodiversité aquatique fragilisée, sécheresses et inondations plus fréquentes et plus intenses, façade littorale sujette aux submersions marines et aux érosions côtières… les perspectives en 2050 imposent d’agir plus vite et plus fort dans l’ensemble du bassin. « Si nous ne changeons pas nos habitudes, nous irons au-devant de difficultés majeures », confirme Guillaume Choisy.
Objectif du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux qu’il a présenté il y a quelques mois donc, passer à 70 % des masses d’eau de surface en bon état écologique d’ici 2027. D’abord en finissant de rénover les 400 stations d’épuration qui ont encore besoin de l’être, 4 800 ayant déjà été remises aux normes ces dernières années. Ensuite, en travaillant sur les défis de demain à travers 36 appels à projet en cours sur le bassin.
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Géothermie et réutilisation des eaux usées
« Il faudra capter l’eau plus vite dans les périodes abondantes, la stocker l’hiver et la restituer l’été pour l’irrigation. Donc travailler aux usages de l’eau avec des sous-bassins, ce qui passera par l’optimisation des mesures de remplissage des bassins dans les retenues. Je pense aussi à la réutilisation des eaux usées. Il y a un projet sur Toulouse pour arroser le stade Ernest-Wallon et le golf, un autre à Mont-de-Marsan où 1,6 million de m3 vont servir à chauffer les écoquartiers. Il faut penser à la désimperméabilisation des villes, c‘est-à-dire arrêter de bétonner et retrouver des îlots de verdure. Peut-être revoir l’utilisation de l’eau potable. L’utiliser pour laver la voiture ou tirer la chasse d’eau, c’est excessif. Mais il faudra investir car ça nécessite un double réseau, dans les maisons notamment. »
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Guillaume Choisy évoque aussi le « développement de l’agroécologie et des filières à bas niveau d’intrants » car « 40 % des eaux profondes sont impactées par les herbicides et nitrates », ce qui a un coût pour le traitement. Et d’ajouter que l’agence de l’eau investit chaque année 42 millions d’€ pour la préservation des zones humides et 30 millions d’euros pour limiter l’impact chimique sur l’eau, « surtout depuis 3 ans ».
Rien en revanche pour résorber les fuites qui engendrent 20 % de perte, ce qui place Adour Garonne dans la moyenne des autres bassins en France. « Ce n’est pas une économie rentable, ça coûte moins cher de garder les fuites, honnêtement », assure Guillaume Choisy. Ça coule de source… si l’eau perdue retourne à la terre.
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