Affaire Merah, dix ans après : "Témoigner pour faire vivre mon fils et mes petits enfants", la volonté de Samuel Sandler
Père de Jonathan, grand-père de Gabriel et Arié, tous les trois tués devant l’école juive Ozar Hatorah, à Toulouse, Samuel Sandler participe ce dimanche à la cérémonie d’hommages dix ans après les attentats de Toulouse et Montauban. Dans le souvenir des siens, avec l’angoisse qu’avec le temps, on les oublie.
Dix années déjà depuis les attentats. Est-ce particulier ?
10 ans… Non ce n’est rien de particulier puisque pour nous, en réalité, c’est tous les jours. Ce que je ressens en réalité avec angoisse, la même qu’au premier jour, c’est la peur de l’oubli.
Pourquoi cette crainte ?
Parce qu’en réalité, on en parle beaucoup aujourd’hui mais demain, dans 15 jours, tout le monde aura oublié. Vous savez, je le vis au quotidien et quel que soit le milieu ou les circonstances. Même dans les fêtes juives, il m’arrive de me présenter. Le nom de Sandler ne dit souvent rien. Mais si je cite l’assassin de mes petits-fils et mon fils, tout de suite, ah oui…
Cette réalité reste-t-elle insupportable ?
Elle reste douloureuse. Le nom de l’assassin existe, pas celui des victimes.
Quel attachement existait entre votre fils, Jonathan, et Toulouse ?
Jonathan aimait beaucoup Toulouse. À l’adolescence, il restait un garçon très rêveur. Nous vivions en région parisienne. Ses enseignants m’avaient conseillé de trouver une école avec des classes moins chargées. C’est comme ça qu’il a poursuivi ses études à Ozar Hatorah, à Toulouse. M. Monsonégo m’avait assuré qu’il aurait son bac. Après il a commencé des études en économie mais il a décidé de partir en Israël.
Pourquoi ?
Un de ses examens était programmé un samedi. Il est allé voir son professeur pour trouver une solution. Le professeur lui a dit : « Si ça ne vous convient pas, vous pouvez partir ». Il m’a appelé en milieu d’après-midi et m’a dit : si c’est comme ça, je pars. Il a rejoint Israël pour étudier le talmud.
Et il est revenu à Toulouse avec sa famille six mois avant l’attentat.
Jonathan voulait rendre à l’école ce qu’elle lui avait donné. M. Monsonégo lui avait demandé de venir enseigner le judaïsme. Pour Jonathan, c’était très important mais il aimait aussi beaucoup Toulouse. Il le fallait pour quitter Jérusalem.
Qu’avez-vous ressenti quand vous avez appris sa mort et celle de vos petits enfants ?
Eva, leur mère, m’a appelé. La première chose qui m’est venue à l’esprit : ça recommence, comme pendant la guerre. Ma famille a beaucoup souffert. Ma grand-mère, mon oncle, ma tante, mon petit-cousin arrêtés au Havre ont été déportés et ne sont pas revenus. Mais je ne pensais pas qu’en 2012, on pouvait encore donner la mort, tuer des enfants simplement parce qu’ils étaient juifs.
L’antisémitisme ne disparaît pas...
Je vis au Chesnay, près de Versailles. C’est un monde un peu à part. Mais l’antisémitisme existe, demeure vivace, notamment dans certaines banlieues.
Que faire pour s’y opposer ?
Lutter, témoigner, refuser. Je vais régulièrement dans des établissements scolaires évoquer ma famille. Une idée de Valérie Pecresse qui est une vieille amie. C’est une manière de faire vivre mon fils et mes petits enfants. Cela a été très difficile au départ, un peu moins maintenant mais je rencontre une belle jeunesse qui me fait espérer.
Et comment va Liora, la sœur de Gabriel et Arié, votre petite fille ?
C’est délicat. Je fais très attention à ce que je lui dis. J’ai toujours peur de me montrer maladroit. Quand je la retrouve, que je profite du temps avec elle, c’est délicat. Elle a passé son enfance à chercher ses frères et son père. Petite, elle allait prendre l’avion, elle était contente : je vais retrouver mes frères et mon père puisqu’on lui expliquait, un peu facilement, qu’ils se trouvaient au ciel… Plus récemment, j’ai proposé à Eva de diffuser des films que j’avais réalisés. Au bout de cinq minutes, Liora s’est levée et m’a dit : ça suffit, maintenant je veux les voir, en vrai !
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