Immersion dans la police toulousaine : leur job, se mettre dans le cerveau des délinquants
La sûreté départementale dispose, au sein de l’unité d’aide à l’enquête, d’une cellule dédiée à la vidéo. Les policiers épluchent chaque année des milliers d’heures d’enregistrement. Quand l’image tend à remplacer l’ADN.
« Nos crapules respectent les règles sanitaires avec beaucoup de rigueur (NDLR, le port du masque). Malgré tout on y arrive ». L’unité d’aide à l’enquête (UAE) de la sûreté départementale vient en appui aux différents groupes d’enquête de la police toulousaine. Elle dispose, depuis la réforme de 2021, d’une cellule vidéo à la pointe. Cédric et Fredo sont les deux investigateurs en cybercriminalité. Face ou plutôt autour d’eux se trouvent six écrans dont « La machine », un « outil » ultra-performant dont ne disposent que peu de sûretés départementales en France.
« Sur ce dossier, par exemple, les images de dix-sept caméras de la Ville ont été requises. Des vidéos de 20 heures à 3 heures. Le temps de traitement est énorme, décrit Cédric. Il (NDLR, le logiciel) va me séquencer par vignettes. Ici, il en reste 12 511 ». L’enquêteur ne va pas toutes les regarder. « On peut entrer des critères selon qu’on recherche un homme, une femme ou un enfant mais aussi une moto ou une voiture ou encore une couleur, des manches courtes ou longues… Il se trompe rarement mais on est là derrière ». Cédric a l’œil. C’est un ancien de la « Crim ». Le brigadier porte son « regard d’enquêteur et le met à disposition de la vidéo ».
Dans une grande pièce en face, trois policiers adjoints scrutent leurs écrans. Laïla, Esteban et Antoine ont chacun leur spécialité. « Par exemple, une plainte a été reçue pour des vols dans le métro. On se renseigne pour savoir si la vidéo a été extraite ». Identifications de modes opératoires, utilisation du « sens policier », ils fournissent des synthèses de délits ou de crimes en série.
Jeff, major, est le chef de l’UAE. Passionné depuis des années par les nouvelles technologies dont la vidéo, il estime cet outil indispensable. « Le magistrat veut être convaincu et on n’a pas le droit de se tromper. L’image peut aussi mettre hors de cause des personnes ».
Affaire difficile. Le samedi 20 juin 2020 sur les quais de la Daurade, les sapeurs-pompiers prennent en charge un étudiant blessé au thorax. Il est transporté à Rangueil dans un état critique. Le ventricule droit de son cœur est perforé.
Un de ses amis, lui aussi blessé, raconte la rixe qui a les a opposés à quatre voleurs de téléphones portables.
Les images de vidéoprotection de la Ville sont réquisitionnées et exploitées. Chaque suspect est identifié. Interpellés, ils ont reconnu les faits et attendent désormais leur procès en prison.
Traque des casseurs infiltrés chez les Gilets jaunes
Tentatives d’homicide, vols à la tire, braquages, agressions en tout genre… l’UAE décortique les images et le port du masque n’a pas freiné sa réussite. L’épisode Gilets jaunes a laissé ses traces au sein de l’équipe qui a traqué les casseurs. En janvier 2019, l’acte X des Gilets jaunes a vu l’agence de la banque populaire, rue Alsace-Lorraine, entièrement dévastée. « Certains documents sont partis en fumée. Des clients ont perdu toutes leurs chances d’obtenir des prêts, colore Jeff. Quatre personnes ont pu être identifiées par les images ». Les enquêteurs ont aussi élucidé une tentative de meurtre sur des gendarmes mobiles qui ont reçu des cocktails molotov le 26 janvier 2019, rue de Metz. Jugé, l’auteur a écopé de 5 ans de prison ferme.
Dans la cellule vidéo, tandis qu’Esteban balaye les images de spécialistes du vol à la tire dans le métro, Antoine rentre de la police municipale les bras chargés de CD… De nouvelles affaires.
Des données par milliers
« Il y a d’abord eu les traces papillaires, puis l’ADN, puis les téléphones et maintenant les opens sources (NDLR, réseaux sociaux), décrit Jeff, à la tête de l’UAE. Ces dernières sont ouvertes à tout le monde. Les policiers les observent aussi ». Les deux investigateurs en cybercriminalité ont « passé une spécialité sur l’extraction de datas ». Ordinateurs, disques durs, téléphones, GPS… « ils sont requis très fréquemment ». « La capacité des téléphones a évolué. Il faut être capable d’extraire, d’analyser et de comparer dans un délai court. Le temps est toujours notre ennemi. C’est dans les premières heures qu’on va obtenir des éléments déterminants ».
Cédric décrypte : « Chaque fichier est une suite de chiffres et de lettres. Ça équivaut à son code ADN ». Dans un smartphone, les données sont nombreuses : appels, contacts, réseaux sociaux, vidéos, bandes audios… « je peux aussi avoir les localisations. Sur un braquage, je sais si la personne est allée sur les lieux. Des gens sont aussi assez bêtes pour se filmer lors d’un viol ».
Les investigateurs en cybercriminalité sont souvent sollicités par la brigade des mineurs. « Le plus souvent, ça concerne la pédopornographie ». Est-ce que les images (des milliers) sont dures ? « Je vois une victime et quelqu’un qui fait du mal. Si personne ne regarde… »
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