REPORTAGE. Violences conjugales : les policiers croisent la part sombre de l’humain
Les enquêteurs des unités de protection de la famille, de la sûreté urbaine ou de la sûreté départementale, gèrent, chaque jour, violences physiques ou psychologiques, agressions sexuelles… Ou des viols et autres affaires criminelles.
« Malheureusement, ici, c’est un puits sans fond, pas forcément le meilleur côté de l’âme humaine », lâche une enquêtrice. Dans les bureaux de la sûreté urbaine, au commissariat central de Toulouse, les membres de l’unité de protection des familles enchaînent les procédures de violences dans la famille, entre parents ou concubins, sur les enfants. « Chaque histoire possède ses ressorts, ses raisons, plus ou moins avouées. Cela touche tous les milieux », préviennent ces policiers spécialisés.
Certaines victimes passent la porte du commissariat après des mois, parfois des années de souffrance. D’autres basculent, beaucoup plus vite. « C’est ce qui me surprend, confie la mémoire de l’unité. Nous traitons de plus en plus de dossiers avec des filles et des garçons qui n’ont pas encore 25 ans. La crise sanitaire ? Je ne crois pas. La précarité en revanche, les difficultés sociales, l’alcool ou les stupéfiants facilitent les passages à l’acte. » Mais ces enquêteurs refusent les généralités. « Parce que dans les violences familiales, vous croisez aussi des ingénieurs, des personnes très à l’aise financièrement. Et parfaitement éduquées… »
Le vrai du faux
Dans ce travail délicat, il faut aussi savoir démêler le vrai du faux. « On n’échappe pas aux dérives d’après séparation ou aux bagarres pour la garde des enfants avec des accusations pas toujours fondées », préviennent les policiers qui gèrent des dossiers par dizaines, tous prioritaires. Avec la peur de délaisser l’affaire qui pourrait virer au drame.
À l’étage au-dessus, à la sûreté départementale, « on monte d’un cran dans la gravité », prévient le chef d’une unité de neuf officiers de police judiciaire. Justement plusieurs enquêteurs recherchent un homme, disparu des radars. « Il veut couper la tête d’une femme… », confie un brigadier. Tout a commencé par des menaces. Il a défoncé la porte de son logement à Toulouse dimanche soir avant d’essayer de l’écraser le lendemain. Puis il l’a poursuivie un couteau de boucher à la main avant de la frapper… Elle a hurlé. Des témoins sont intervenus. Ces femmes expliquent la scène, inquiétante. « Sans l’intervention du Monsieur, il la tuait », estiment ces dames. La victime, dignité en bandoulière, ne comprend pas. « Il est un peu nerveux mais là, je ne sais pas ce qu’il me reproche », répète cette femme, très calme. Un nouveau message, logorrhée d’insultes et de menaces de mort arrive sur son téléphone. Le brigadier s’inquiète : « Il ne s’est vraiment pas calmé… »
Constatations sur place, auditions des témoins, enquête de voisinage, retranscription de dizaines de messages… Il faut traduire sur le papier « ce qui caractérise l’infraction ». Et retrouver le suspect, introuvable depuis déjà 24 heures. Mis en alerte, les policiers du secteur nord croisent leurs collègues. Un brigadier donne son numéro à la victime. « Si jamais vous le voyez quelle que soit l’heure, vous m’appelez. On sera là très vite… » En parallèle les investigations s’accélèrent. Le suspect, repéré du côté de Montpellier mardi soir, reste introuvable.
Les disparus, source d’inquiétude
Violences graves, détention d’images pédopornographiques, ou viols de mineurs, la tension descend rarement dans l’unité de protection des familles. « Et aussi des fous », sourit un major, référence à une semaine passée compliquée avec les fugues successives de malades « dangereux » dont le statut « administratif » ne facilite pas les investigations. Entre policiers et équipes médicales, on devine deux mondes qui ne partagent ni le même langage ni les mêmes priorités. Une autre thématique préoccupe ces policiers : « les disparitions de personnes majeures », décrypte un membre de l’unité.
« Certaines, la majorité, se règlent rapidement, d’autres basculent en homicide… » Dans les archives de l’unité, de gros dossiers jugés devant les assises comme Edith Scaravetti qui a tué son compagnon ou Sophie Massala qui a « découpé » une collègue de travail. « Parfois c’est plus rapide… » Lundi soir, une femme a donné l’alerte. Son compagnon, parti du travail dans l’après-midi, avait disparu. Inquiétudes, plainte, premières recherches… Avant d’alerter le parquet, le chef a eu un réflexe. « Un coup d’œil sur le registre des gardes à vue… Il y était en geôle depuis la veille ! Il avait refusé un contrôle de police… » Classement immédiat.
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