Toulouse, épicentre du Top 50 dans les années 80
L’âge d’or de la musique à Toulouse se situe dans les années 80. De très nombreux artistes venus de la Ville rose ont occupé les premières places du Top 50 à l’époque.
Les années 80 c’était un style, un son, une façon d’être. Peut-être plus libre qu’aujourd’hui. Musicalement, en France, cette liberté acquise par l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 s’est traduite par l’émergence de très nombreux artistes et par l’éclosion des radios libres sur la bande FM. Et Toulouse y a pris toute sa place, et même la première. Jean-Pierre Mader, Gold, Images, Pauline Ester, Pierre Groscolas, Francis Cabrel, Art Mengo et tant d’autres dont les noms ont aujourd’hui été oubliés ont "squatté" les premières places du Top 50 pendant cette décennie. "C’est une génération bénie des dieux", reconnaît l’animateur du Top 50 à l’époque Marc Toesca (lire ci-dessous).
Point commun à tous ces artistes qui étaient de véritables stars: ils étaient entourés par les frères Seff (Daniel et Richard), auteurs-compositeurs, et par Jacques Cardona, fondateur avec Jean-Michel et François Porterie du célèbre studio Condorcet à Toulouse.
Tous ces noms ont fait de la Ville rose la place forte de la musique des années 80. "Il y avait un swing toulousain, explique Jean-Pierre Mader, c’était le Liverpool français de ces années-là", s’amuse-t-il aujourd’hui. L’auteur et l’interprète de "Disparue" (1984) et de "Macumba" (1985) se souvient de cette bande de copains à l’esprit ouvert et indépendant. "Il y avait une vraie vision du son à Toulouse avec une grille harmonique et une couleur sonore propre aux artistes de cette ville dans laquelle tous ont continué à habiter malgré le succès, explique Jean-Pierre Mader. J’avais d’ailleurs une des premières boîtes à rythme, la TR-808 de chez Roland, et Jean-Louis Pujade le batteur d’Images une Linndrum", se souvient Jean-Pierre Mader. Des boîtes à rythme qui ont permis de donner aux chansons de l’époque ce tempo si reconnaissable aujourd’hui.
"À Toulouse, on se fiche pas mal des modes"
Cette indépendance dont parle celui qui est présenté comme le grand frère de cette génération dorée est résumée par notre ancien confrère de La Dépêche Bernard Lescure, le 4 avril 1982 dans un article titré "La ruée vers Gold".
Celui qui a accompagné dans nos colonnes les artistes venus de la Ville rose écrivait alors: "A Toulouse, on se fiche pas mal des modes, semble-t-il, et chacun dans son coin lance son petit défi aux lois du show-business. Au point de rendre fous le duo Cardona-Porterie, maître es-console du studio Condorcet". Les Goldfingers qui viennent de se rebaptiser Gold y enregistrent la même année leur premier album 33 tours éponyme qui a, selon Bernard Lescure, "des airs de new wave, d’Hallyday, de Lenorman ou de l’Orchestre du Splendid". Un cocktail étonnant qui sera le début du succès. Ce mélange des influences musicales sera une des clés de la réussite du son toulousain. "Nous n’étions pas des musiciens élitistes. Nous avions un côté décomplexé assumé. Le tout dans une ville très ouverte qui agissait comme un aimant où la bourgeoisie était moins formelle qu’ailleurs", explique Jean-Pierre Mader.
Marc Toesca : «il y avait une énergie extraordinaire»
À partir de 1984, tous les samedis aux alentours de 19 heures sur Canal + pendant plus de 10 ans, le Top 50 a réuni des millions de téléspectateurs pour suivre le classement des ventes de 45 tours.
L’émission devient vite le rendez-vous incontournable de toute la profession et des amateurs la musique. Depuis elle est devenue culte. Quand on retombe dessus lors de best of des années 80 ou sur internet c’est une sorte de madeleine de Proust pour toute une génération. Il suffit de quelques notes d’une des chansons pour revenir 30 ans en arrière. Une période qui correspond pour beaucoup à son enfance ou à son adolescence.
Marc Toesca a alors la trentaine et est propulsé à la présentation de ce "hit-parade" d’un nouveau genre sur la toute jeune et branchée Canal +. "Cette émission était un coup de pied dans la fourmilière, raconte Marc Toesca. Jusqu’alors, les classements de 45 tours qui existaient en radio étaient obscurs. Il y en avait autant que de stations. C’est Philippe Gildas, patron d’Europe 1, qui a eu l’idée d’en faire un en fonction des ventes chez les disquaires avec l’aide de deux instituts de sondages, Nielsen et Ipsos", détaille le Niçois, chroniqueur aujourd’hui dans la nouvelle émission d’humour de France 3, "Samedi d’en rire".
Si dans le Top 50 se trouvent bien évidemment toutes les stars internationales (Michael Jackson, Madonna, Sting, etc.), les stars françaises et toulousaines tirent leur épingle du jeu, à la faveur d’une production tricolore importante dans les années 80 (Balavoine, Goldman, Johnny, Cabrel, Mylène Farmer, Jeanne Mas, Images, Gold, etc.).
"Dans ces années-là, les planètes ont été alignées pour nos artistes français. Il y a eu une richesse musicale, dont celle venue de Toulouse, et la libéralisation des ondes avec la naissance des radios libres et de Canal +, explique Marc Toesca. De Toulouse, je connaissais Pierre Grocolas et le groupe Week-end Millionnaire, puis il y a eu cette effervescence autour des studios Condorcet et Polygone. Il y avait une énergie et une richesse extraordinaire. Toulouse était un nid de création phénoménale. Qu’un artiste vienne de Toulouse c’était normal", se remémore Marc Toesca.
L’auteur-compositeur toulousain Richard Seff résumait dans La Dépêche en janvier 1990 son attirance et son rejet du Top 50. "Il a permis à une foule de nouveaux artistes de s’exprimer et de renvoyer ainsi dans leur foyer des gens que l’on nous avait toujours présentés comme populaires mais qui, en fait, ne vendaient pas de disques. Mais, très vite, hélas ! la plupart de ces chanteurs nouveaux ont dû battre en brèche, poussés par des maisons de disques obsédés par les ventes et des radios ou TV obnubilés par l’efficacité d’un titre"., résumait-il.
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