Jean-Jacques Aillagon : «Au niveau culture, l'Occitanie est bien armée»

  • Jean-Jacques Aillagon : «Culture  : l'Occitanie est bien armée»
    Jean-Jacques Aillagon : «Culture : l'Occitanie est bien armée»
Publié le , mis à jour
Recueilli par Gil Bousquet

L'ancien ministre de la Culture et de la Communication du gouvernement Raffarin sous Jacques Chirac, Jean-Jacques Aillagon est diplômé d'une maîtrise d'histoire moderne de l'université de Toulouse et d'un CAPES d'histoire géographie. Après avoir enseigné à Tulle en Corrèze, il a rejoint la haute administration culturelle jusqu'à devenir ministre. Il intervient demain à La Dépêche du Midi dans le cadre des 7es Rencontres d'Occitanie sur le thème : «Les nouveaux enjeux culturels pour les territoires».

En tant que ministre, vous avez été l'initiateur de la décentralisation culturelle. Pourquoi avez-vous souhaité rapprocher l'action culturelle des régions ?

Tout d'abord parce que j'ai une conviction démocratique à cet égard. L'État et ses établissements ne peuvent pas limiter leurs actions à Paris même si notre pays est frappé par une forte tradition de centralisation. Aujourd'hui, on ne peut pas imaginer que l'État, quand il met en œuvre des politiques, ne se préoccupe pas de prendre en compte les préoccupations de l'ensemble des citoyens où qu'ils habitent. C'est un devoir démocratique, le devoir de la République pour l'État que de penser l'aménagement culturel du territoire de façon large.

Ce mouvement est-il poursuivi aujourd'hui ?

J'ai le sentiment que mes successeurs n'ont pas toujours été aussi attachés à l'aménagement culturel du territoire. Françoise Nyssen, la nouvelle ministre de la Culture, se sent, elle, totalement impliquée dans les missions du ministère de la Culture sur l'ensemble du territoire. Elle est d'ailleurs très présente en régions pour mieux comprendre la vie culturelle de notre pays et encourager les initiatives qui marquent la présence de l'État partout. Mais attention, la présence de l'État n'est pas exclusive. Il faut bien avoir à l'esprit le rôle fondamental des collectivités locales comme les communes, les départements et les Régions et parfois des initiatives privées qui jouent un rôle très important dans l'animation culturelle du territoire. Ces acteurs ont une conscience très vive de leur devoir mais l'État demeure un animateur de l'action de tous ces acteurs. Cette ambition territoriale doit être prise à bras-le-corps par le ministère de la Culture.

Les établissements publics de la Culture doivent-ils aussi s'inscrire dans cette démarche ?

C'est en tout cas ma vision. Dans les établissements que j'ai dirigés comme le centre Georges Pompidou j'ai estimé que l'action culturelle de l'État est aussi formée par la réunion de ses grands établissements. L'action du centre Pompidou ne pouvait pas se limiter au seul territoire parisien. C'est ainsi que nous avions engagé une coopération ambitieuse avec le musée des Abattoirs de Toulouse dont une bonne partie de la collection provient du dépôt du centre Pompidou. Cette initiative a aussi été dupliquée à Lyon, à Marseille, à Villeneuve d'Ascq, à Rouen, à Bordeaux… jusqu'à ce que l'établissement se dote d'une antenne permanente en région avec le Centre Pompidou Metz. C'est aussi dans cet esprit qu'est née l'idée du Louvre à Lens. Président du château de Versailles j'avais engagé une action de décentralisation à Arras.

La constitution des grandes régions va-t-elle permettre aux régions d'être davantage à la manœuvre de la politique culturelle ?

Je le souhaiterais grandement car il est évident que les grandes régions ont une capacité stratégique plus grande que les petites collectivités. La région Occitanie a une grande cohérence historique ce qui rend plus aisé cet exercice de conduite de politique culturelle. C'est le Languedoc de l'Ancien régime avec quelques variantes notamment pour le Roussillon faisant de l'Occitanie d'aujourd'hui un territoire cohérent en termes de culture. La région Occitanie me semble parmi les régions françaises l'une des mieux armées pour mettre en œuvre une ambition stratégique en matière culturelle car elle recouvre un territoire qui a la cohérence dans ses gênes.

En termes de stratégie régionale faut-il s'appuyer sur de grandes marques comme le Louvre et s'en servir de locomotives ou bien capitaliser sur les forces

régionales ?

Il est nécessaire de mener les deux actions en parallèle. Il est évident qu'il ne pourra pas y avoir autant de Louvre qu'il y a des régions. En Occitanie, il existe un réseau conséquent d'institutions significatives. Toulouse est porteuse d'une grande tradition dans le domaine de la musique. Rodez a vu son image révolutionnée par la création du musée Soulages et par la rénovation du musée Fenaille qui ont été un facteur de développement du tourisme. Albi avec son inscription sur la liste du patrimoine mondial ambitionne de capter un tourisme plus conséquent. La Cité de Carcassonne est un des sites les plus visités de France… dans cette région se pose davantage la question de la valorisation de ce qui existe.

Comment faire entrer la culture dans les quartiers difficiles ?

Il ne faut jamais se résigner à ce que des territoires soient fermés à la culture. En tant qu'ancien professeur j'ai toujours pensé que l'école avait un rôle essentiel à jouer puisqu'elle doit être l'espace de réduction des inégalités. Certains enfants n'ont pas la chance d'avoir une famille qui leur ouvre les fenêtres vers la culture. C'est donc à l'école d'abord de jouer ce rôle de compensateur. Emmanuel Macron a d'ailleurs placé l'éducation artistique et culturelle au centre de ses préoccupations.

Les entreprises ont-elles un rôle à jouer en matière de culture ?

Je suis l'auteur de la loi de 2003 sur le mécénat et les fondations qui incite aux actions culturelles dans les entreprises. Cela améliore la qualité de vie au travail et renforce l'image des entreprises auprès du public.

contact@rencontres-occitanie.fr

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Les commentaires (2)
Il y a 6 années Le 20/09/2017 à 14:23

Une culture de ploucs ...

Ubu2 Il y a 6 années Le 20/09/2017 à 11:51

Le terme « culture » regroupe tout et n’importe quoi et surtout de la distraction dénuée d’un réel intérêt culturel.
On peut très bien se cultiver par soi-même, avec son propre budget, sans pour autant faire appel à des subventions. Si certains veulent assister à des festivals, pourquoi devraient-ils les faire financer par les autres ? Rien n’empêche ces animations de s’autofinancer en faisant payer le juste prix et en fixant des salaires en fonction des entrées. Nous payons déjà le régime spécial des intermittents du spectacle qui est une aberration.
Avant, nous avions des bibliothèques municipales. Maintenant il y a des médiathèques à foison. Des « investissements » ayant surtout permis d’engraisser les entreprises de BTP. Des établissements qui coûtent déjà combien chaque année aux municipalités ou aux communautés de communes ?
Ceux qui ont les moyens de se payer des smartphones, des vacances de l’autre côté de la planète, des sorties, ont sans aucun doute les moyens de se payer des livres et des entrées de festivals.
La dette publique est peut-être déjà assez importante pour que les vrais investissements soient réalisés avec de vraies retombées économiques et pas que pour les intermittents et pour les commerçants.
Il y a certainement d’autres priorités pour de l’argent public.

A lire sur le site de "Contribuables associés" rubrique "Mes élus sont-ils dépensiers ?"

En revanche, pour ce qui concerne le niveau scolaire de nos enfants en 2017, il faut constater le nouveau classement PISA de l'OCDE. La France est descendue à la 26ème place. Ce qui prouve bien que pour réussir, il ne s'agit pas d'une question de distribution "gratuite" de gadgets, de moyens financiers (ORDILIB, tablettes numériques, tableaux numériques…), de moyens humains (toujours plus d’enseignants pour toujours moins d’élèves) mais bien d'une question d'investissement en travail. Dans les années 1960, les résultats scolaires étaient nettement plus élevés avec beaucoup moins de moyens. La démagogie ne profite qu'à ceux qui distribuent des cadeaux sur le dos des autres. Ce n’est pas une question de moyens humains et matériels mais bien une question d’ardeur au travail.

On distrait nos enfants par des activités périscolaires. Il ne faut plus donner de devoirs à la maison. Il ne faut plus les faire redoubler. On distribue les diplômes comme à l’école des fans. Il ne faut pas sélectionner à l’entrée en université. On instaure une discrimination posivite pour faire réussir ceux qui ne veulent pas se présenter aux concours. Pendant les heures d’école, on les promène au ski pour en faire de futurs consommateurs. Pendant ce temps là, ceux qui sont conscients et qui en ont les moyens placent leurs enfants dans des établissements privés. Aurait-on envie de voyager dans un avion avec un pilote ayant obtenu son diplôme par discrimination posivite ? De même pour un chirurgien ? La démagogie a des limites.