Suicide d’un salarié de Continental à Toulouse : tensions, stress, "tout le monde est sur le gril"
Un salarié de l’usine Continental, à Toulouse, a mis fin à ses jours le 28 mars dernier, à son domicile. Ce technicien reconnu venait d’apprendre son futur licenciement. Le syndicat FO demande une enquête auprès de l’inspection du travail. Un comité social et économique extraordinaire doit se tenir, ce jeudi 11 avril.
C’est un choc violent qui intervient quelques semaines après une première secousse et un plan de licenciement massif au sein de l’usine Continental, à Toulouse, le célèbre équipementier allemand de pièces automobiles.
Le 28 mars dernier, Benoît, un technicien compatibilité électromagnétique de 48 ans, chargé d’effectuer des essais en laboratoire, a mis fin à ses jours, à son domicile, près de Toulouse. Le 14 février, ce père de famille de deux enfants en bas âge apprend que le laboratoire dans lequel il est grandement investi doit fermer, début 2025. Il était en arrêt de travail au moment de son passage à l’acte. Selon ses proches, il avait très mal ressenti cette décision et la vivait comme un véritable "déclassement".
Une cinquantaine de salariés sont visés par des mesures de licenciement dont Benoît, en plus des 250 suppressions de poste annoncées sur les sites de Toulouse, avenue Ourliac (Basso Cambo) et Rambouillet (Yvelines).
"Benoît était ici depuis plus de vingt ans. Il était un pilier de l’entreprise, également secrétaire du CHSCT (1), commente Philippe Penin, délégué syndical FO. Il était passé par plusieurs postes en gravissant des échelons dans l’entreprise. Nous avons la conviction que son geste dramatique est lié à sa situation au travail qu’il vivait très mal. Sa détresse a été accentuée de façon aiguë par l’annonce de la fermeture du laboratoire et des licenciements. Cet avis est largement partagé par les collègues. Ici, tout le monde est sur le gril".
Enquête demandée auprès de l’inspection du travail
Le syndicat FO dans lequel Benoît était responsable de section, a demandé une enquête interne auprès de l’inspection du travail. "Nous voulons que ce drame soit reconnu en accident du travail", insiste Philippe Penin qui décrit une situation "tendue" depuis plusieurs années et des salariés "qui travaillent dans le stress".
Selon nos informations, Benoît avait déjà accusé le coup, il y a plusieurs années. Il n’hésitait pas à bousculer sa hiérarchie pour dénoncer ce qu’il percevait comme des "anomalies" ou "des erreurs d’organisation". Pour ses proches, "il y avait une souffrance réelle au travail et les symptômes étaient là, migraines, maux de ventre…" Des signes apparus il y a quelques semaines et identiques à ceux ressentis, il y a plusieurs années, lors d’un premier burn-out qui lui a valu un long arrêt de travail.
"Un membre du CHSCT du site de Rambouillet avait demandé, il y a peu de temps, que la question de la prévention des risques et de la sécurité soit soulevée mais cette proposition a été rejetée par la direction, atteste le responsable syndical. Ce drame aurait-il pu être évité ? On ne peut pas l’affirmer. Mais ce jeudi 11 avril, un comité social et économique extraordinaire se tiendra sur le site de Toulouse sur le thème de la prévention et des risques psychosociaux".
Pas de réactions sur le fond
Une cellule psychologique a été mise en place par le site toulousain. Sur le plan des licenciements à venir, la direction de Continental automotive France, répond : "Nous avons appris mi-février que Automotive France était concerné par les annonces de restructurations faites au niveau Groupe en fin d’année dernière. L’information a été partagée immédiatement avec l’ensemble des collaborateurs. Nous entrons désormais dans une phase de travail, en lien avec les partenaires sociaux, pour identifier les meilleures solutions possibles pour la mise en œuvre de ces décisions. Notre priorité absolue est de limiter l’impact de cette réorganisation mondiale sur nos équipes et notre activité en France".
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À la suite du suicide du technicien, la direction que nous avons contactée, entend respecter "le deuil de la famille dans cette période difficile". Refusant de s’exprimer sur le fond, elle ajoute : "nous exprimons toutes nos condoléances à la famille ainsi qu’aux proches du défunt, et leur assurons tout notre soutien dans cette épreuve douloureuse. L’ensemble des collaborateurs du site de Toulouse, très affectés par ce drame, se joignent à notre tristesse".
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