"La guerre a décidé pour nous". Comment Anna et Valeriya ont reconstruit leur vie dans le Tarn
Arrivées à Carmaux il y a deux ans, parmi les premiers réfugiés ukrainiens en France, Anna, et Valeriya travaillent à reconstruire un avenir, balayé par l’invasion russe. Dans le Tarn, ils sont des centaines dans ce cas.
Anna, 35 ans et Valeriya, 32 ans, sont arrivées en France, dans le Tarn à Carmaux, en mars 2022, un mois après le début de la guerre en Ukraine.
Elles vivaient à Zaporijia, une ville sous contrôle russe dès le début de la guerre. Toutes deux mamans, respectivement d’un garçon aujourd’hui âgé de 10 ans, et d’une fille de 12 ans, elles ont été parmi les premières réfugiées à arriver.
Elles ne parlaient pas un mot de français. Cinq mois plus tard, elles étaient embauchées en CDD à la Naucelloise, une conserverie de produits régionaux de l’Aveyron.
« On y a travaillé 1 an et 4 mois. Aujourd’hui, j’ai envie d’apprendre bien le français » explique Valériya. « Le plus difficile, c’est de ne pas maîtriser totalement la langue » confirme Anna. À Zaporijia, elle et son amie travaillaient dans une entreprise de microélectronique.
« En Ukraine, on est habitué à toujours travailler » explique Anna, bien décidée elle aussi à prendre le temps de perfectionner sa nouvelle langue. Pas simple quand le Greta d’Albi, dispose de 12 places pour plus de 60 demandes.
En attendant, Valéria et Anna parlent le plus possible en français. « On le travaille tout le temps, on demande aux gens quand on comprend pas un mot et on regarde la télévision avec des films sous-titrés » détaille Valeriya, qui continue à échanger avec ses anciennes collègues de travail de la Naucelloise.
Dans leurs appartements respectifs à Carmaux -l’un au dessus de l’autre- les deux amies savourent la tranquillité retrouvée. « C’est très bien pour les enfants, ils peuvent jouer dehors. Le collège, l’école, les courses, c’est à 10 minutes. On peut tout faire à pied » précise Anna.
Impossible de rentrer
« La première année, ma fille pensait toujours à l’Ukraine. On en parlait tout le temps. Aujourd’hui, elle comprend que ce n’est pas possible d’y revenir » raconte Valeriya, qui a décidé de rester. Son père et sa mère, eux, se disent trop âgés pour quitter leur pays et leur ville de Zaporijia.
« Mais ils sont contents qu’on reste ici avec ma fille. Pour ma mère, le plus important, c’est qu’on soit en sécurité » confie la jeune femme. « Mon fils me dit tous les jours qu’il aime l’école, qu’il a beaucoup d’amis que ça se passe bien » se réjouit Anna. « Ma fille, au collège, c’est pareil » acquiesce Valeriya tout sourire.
Permis de vivre et de conduire
Prochaine étape pour les deux amies, après quelques mois entièrement consacrés au perfectionnement du français, trouver un nouveau travail d’ici l’été. Un sacré challenge quand, en l’absence de titre de séjour, la simple autorisation provisoire de rester en France (APS) ne suffit pas pour pouvoir passer le permis de conduire.
« On est très reconnaissante pour l’aide que la France nous apporte. On aimerait la rendre en travaillant. On voudrait vivre exactement comme des Français, travailler, payer des impôts, conduire… » résume Valeriya. « C’est un grand changement de vie pour moi. J’aurais aimé vivre normalement chez moi, mais chez moi c’est la guerre. C’est elle qui a décidé pour moi » ajoute Anna.
« Force, patience et paix », c’est aujourd’hui tout ce que souhaitent les deux amies. « C’est ce qu’on souhaite à tout le monde. Nous ne voulons pas que cette guerre arrive ailleurs. »
145 élèves scolarisés de la maternelle au lycée
Les six premiers mois après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’association Bereguinia de St-Benoit de Carmaux et sa présidente Oksana Budka, comme toutes les associations de soutien aux Ukrainiens du Tarn ont été fortement sollicitées.
« Il y a eu beaucoup de solidarité. Aujourd’hui, les gens qui aident ont besoin de souffler et les Ukrainiens qui sont restés s’entraident » témoigne Oksana Budka.
« Il y a eu une grosse vague de retour l’été dernier. Mais depuis le pic de bombardements en Ukraine en décembre, beaucoup cherchent à revenir. Il n’y a plus de dispositifs pour les aider et plus de place pour les loger gratuitement » explique Marcel Ohm, fondateur en avril 2023 de l’association Humanitarian Chain à Gaillac.
Le département du Tarn avait débloqué une enveloppe exceptionnelle de 30 000€ pour aider les familles tarnaises, accueillant des réfugiés ukrainiens, à payer leurs factures d'énergie. Un dispositif aujourd'hui clos.
À Cordes-sur-Ciel en février 2023, 7 familles, environ 25 personnes, étaient hébergées dans l’ancienne gendarmerie, mise à disposition par le département du Tarn. « Ils sont partis fin 2023. Aujourd’hui, il ne reste qu’une famille qui va être relogée dans le village parce que la gendarmerie doit être vendue » explique Bernard Andrieu le maire de Cordes.
Autorisation de séjour à renouveler tous les six mois
Selon la préfecture, en 2024, 6 Ukrainiens ont fait une première demande d’accueil contre 53 en 2023 et 361 en 2022. À ce jour, 12 réfugiés ont vu leur première demande de renouvellement d’accueil acceptée, 8 leur seconde, 19 leur 3e renouvellement et 127 leur 4e prolongation. 19 réfugiés ukrainiens sont en attente d’une réponse de la préfecture.
La direction tarnaise de l’Education nationale a actuellement sur ses listes 77 élèves inscrits en écoles maternelles et primaires, et 68 élèves du collège au lycée.
Les associations tarnaises poursuivent leurs campagnes d’aide et de dons pour les Ukrainiens d’ici et de là-bas. M.L
Contacts : Alliance Occitanie Ukraine, Tél. 06 72 64 87 33. Association Bèrèguinia Carmaux, Tél.06 03 99 64 13. Humanitarian Chain Gaillac, Tél. 07 82 26 93 51
J'ai déjà un compte
Je me connecteVous souhaitez suivre ce fil de discussion ?
Suivre ce filSouhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?