REPORTAGE. Pénurie d'eau potable : dans l'Aude, Coustouge et Jonquières sont ravitaillés par camion-citerne depuis quatre mois
Depuis le 15 novembre dernier, la source des Prats qui approvisionnait en eau les 180 habitants des communes de Coustouge et Jonquières, est tarie. Ils ont donc dû adapter leur quotidien pour consommer moins et économiser l'eau livrée par camions-citernes chaque semaine.
Ne pas se fier aux apparences. Ce vendredi matin, un"épisode cévenol" de pluie violente crépite sur les Corbières. "Mais cela ne sera d'aucun profit pour la nappe et les sols", pointe Jacques Piraud, maire de Jonquières, à une vingtaine de kilomètres de Lézignan, arrivant à la station de pompage et à la principale source locale.
Aussitôt tombés, aussitôt partis : "Ces abats d'eau ruissellent sans pénétrer les terres durcies par des mois de sécheresse et avec la vitesse de la pente, ils ravinent encore plus ce qui l'était déjà. De la Robine à l'Aude via la Nielle et l'Orbieu, ça va directement à la mer ", détaille Yves Ségonne, viticulteur et premier adjoint de Coustouge. "L'autre jour, il est tombé 80 mm, ça fait du 80 litres au mètre carré, eh bien dans la vigne que je venais de labourer, le sol n'était mouillé que sur 10 cm".
Captage à sec
Au fond du puits de captage en contrebas du village, les tuyaux de la source des Prats achèvent le tableau. Pas une goutte ne sort de la dizaine de bouches. "Elle est tarie depuis le 15 novembre alors qu'habituellement, cette prise produisait de 10 à 30 M3 par heure pour alimenter nos deux communes ", rappelle Jacques Piraud.
Ce faisant, depuis... "Deux fois par semaine, le syndicat d’eau potable RéSeau11 nous assure l'alimentation avec les camions-citernes de Véolia, son délégataire". 30 mètres cubes à chaque voyage pour un total de 60 000 litres hebdomadaires versés dans la bâche de pompage de la source asséchée, afin de ravitailler les deux villages... "On fait très attention, on prend les douches le plus rapidement possible, on se mouille, on arrête l'eau, on se savonne, on rince ", résume Flora, 38 ans.
"Pareil quand on se lave les dents, on économise" ajoute Luca, 11ans, son fils. Et "pour les mains aussi", participe Lucia, 5 ans. à la cuisine comme dans la salle de bains, Maxime, le papa, a également installé "des limiteurs de robinet et un pommeau plus économique pour la douche ", montre-t-il. Ajoutez l'optimisation des lessives : "On a déjà économisé 4 M3", estime Flora.
Risque incendie multiplié
Mais posée sur le rebord du lavabo, la maquette de Canadair de Luca rappelle alors que le problème de la sécheresse dans les Corbières va bien au-delà de la pénurie, à Coustouge et Jonquières. 2200 ha dont 130 de vignes pour les deux communes... "On a eu de 30 à 40% de perte sur les vendanges 2023", rappellent Yves et Paul. "80% même, sur mes parcelles, avec l'épisode de grêle sur Jonquières", annonce David, témoin comme tous d'événements météos de plus en plus violents, de plus en plus extrêmes, avec le réchauffement.
"Avant, la garrigue était pâturée par les troupeaux, les brebis et les bergers entretenaient le paysage. Depuis que les élevages ont disparu, le pin d'Alep a colonisé l'espace, le risque incendie est désormais très élevé ", constate Yves Ségonne. Même si le danger ne vient pas des habitants.
La précédente source s'était déjà tarie
" Ici on a une culture du manque d'eau ", pointe Jacques Piraud. "Il n'y a pas besoin de prendre d'arrêtés", souligne-t-il avec son collègue Paul Berthier, maire de Coustouge, également viticulteur. "Dans nos petits villages on voit chacun et tout le monde fait attention ", précisent-ils. Sauf qu'avec l'habitude d'une eau désormais disponible grâce aux ravitaillements... "Il semble que depuis quelque temps, la conso repart à la hausse, c'est normal, les gens oublient ", note Jacques Piraud.
Mais à 78 ans, lui fait partie de ceux qui savent que si, historiquement, sur ce karst et ces terrains argilo-calcaires, l'eau a toujours été un enjeu... Là, la sécheresse de 2023 a révélé une vulnérabilité sans précédent. Car les Prats, n'est pas la première source à s'être tarie... "En 2014, la source de la Citerne - notre captage originel — à laquelle on avait ajouté la petite source de la Fraïsse, achetée en 2003, s'est aussi quasiment tarie. C'est pour cela qu'on avait investi 700 000 € pour réaliser le nouveau captage des Prats ", explique le maire de Jonquières.
"La nappe où il puise a baissé du fait de la sécheresse, s'il pleut suffisamment longtemps, l'eau reviendra", assure-t-il. Mais dans le cas contraire... "il faudra des restrictions dès le printemps", prévoit-il aussi... Tandis qu'avec son collègue et RéSeau11, ils vont néanmoins devoir rechercher de nouveaux forages, plus profond pour trouver "2 à 3 M3 à l'heure, ce qui devrait suffire", espère-t-il.
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