TEMOIGNAGES."Je me suis juré de ne plus jamais l'interner"... Des familles racontent la prise en charge de leurs proches en psychiatrie
Conditions d’hébergement parfois inhumaines, soignants submergés, des familles de patients souffrant de troubles psychiques racontent le chaos qui règne en psychiatrie hospitalière à Toulouse.
Un beau matin, le fils de Marie (*) a perdu pied. Atteint de troubles paranoïaques, ce Toulousain de 38 ans a jeté son ordinateur par la fenêtre de sa chambre et a commencé à se plaindre de douleurs lancinantes au ventre. Il était persuadé que sa mère avait mis du poison dans la nourriture.
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"Je ne pouvais pas le laisser dans cet état. J'ai appelé le Samu. Ils l'ont emmené aux urgences psychiatriques. Là-bas, il a vécu l'enfer. Comme ce pauvre homme qui s'est suicidé dans ce service, il y a quelques semaines (voir encadré).", raconte Dominique. Elle poursuit : "Ils l'ont placé dans un couloir, ensuite dans un bureau dépourvu d'eau et de sanitaires, où sévissait une chaleur épouvantable. Il est resté six jours sur un brancard, sans pouvoir se doucher ni se laver. Submergés, les infirmiers ne pouvaient apporter les repas qu'à la volée, selon leurs disponibilités. Je n'ai absolument rien à reprocher aux soignants. Ils subissaient autant la situation que nous. Le problème est qu'il n'y avait aucun lit disponible pour lui dans le public et le privé."
Chaleur intenable
sans la lumière du jour
Le trentenaire est transféré à l'hôpital Marchant dans le pavillon Camille-Claudel. Il y passe trois mois dans des conditions qui laissent songeur. "Il s'est retrouvé dans une chambre où le store était bloqué. Il est resté dans le noir durant plusieurs jours. Là aussi, la chaleur était intenable, il est arrivé qu'il fasse plus de 40 dans la pièce. Je me suis juré de ne plus jamais le faire interner. Il en est ressorti dans un état lamentable."
Si elle a "échappé" à l’hospitalisation à Marchant, la compagne d’Eric doit régulièrement se rendre aux urgences psy lors de terribles phases de crise. "Quand elle est comme ça, impossible de prendre les transports en commun, on aurait des problèmes... On prend un taxi. À chaque fois, on y passe l'après-midi. La salle d'attente est toujours bondée. Il est arrivé que des individus s'étendent sur le sol ou que d'autres dans une détresse extrême se mettent à hurler sans que personne n'intervienne. Ceci est dû au fait que le personnel est totalement submergé par l'arrivée massive de patients. Un jour, on s'est retrouvé face à un psychiatre, visiblement au bout du rouleau. À cause de la fatigue, il avait tenu des propos désobligeants vis-à-vis de ma compagne. À la fin de l'entretien, il s'est excusé parce qu'il ne pouvait pas la garder une nuit afin qu'elle se calme. J'ai dû la ramener à notre domicile. Ça a été terrible."
Suivi chaotique
Sylvie, commerciale dans un grand groupe toulousain, connaît parfaitement les rouages du réseau psychiatrique local. "Elle n'a pas été étonnée" par les récents drames qui se sont déroulés dans les unités psychiatriques. Depuis une dizaine d'années, elle gère la vie quotidienne de son frère, ancien soldat, souffrant d'une schizophrénie paranoïde : "Au début, il recevait des injections tous les 15 jours dans un centre médico-psychologique puis cela a été tous les mois. En ce qui concerne le traitement médicamenteux, aucun souci, la continuité est assurée. En revanche, sur le reste de la prise en charge, c'est chaotique. Il y a un turn-over continu chez les soignants si bien qu'il est impossible d'avoir un véritable suivi et les dates de rendez-vous sont très aléatoires, cela peut aller de trois mois à six mois voire plus."
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À présent, son frère a recouvré une certaine autonomie et vit seul dans un appartement financé par la famille. "Une auxiliaire de vie le voit deux fois par semaine et il vient régulièrement à la maison pour déjeuner. Cela permet d'avoir toujours un œil sur lui."
Tragédies en série
Le 14 février, un homme de 49 ans s’est suicidé aux urgences psychiatriques du centre hospitalier de Purpan à Toulouse, où il était hospitalisé depuis dix jours sur un brancard. Ce drame est survenu après un viol et une agression sexuelle signalés le week-end précédent dans le même hôpital. Les syndicats SUD et CGT dénoncent depuis des années les carences d’effectifs et d’équipement dans ce service. Plus globalement se pose la question du nombre de lits en psychiatrie en Haute-Garonne.
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