Missak et Mélinée Manouchian au Panthéon : l'hommage vibrant de l’Occitanie aux figures de la Résistance
Deux jours avant leur entrée au Panthéon, l’Occitanie a rendu, hier, un premier hommage au résistant d’origine arménienne et à son épouse Mélinée, en présence d’Hasmik Tolmajian, ambassadrice d’Arménie en France.
Sur fond rouge, les portraits de Missak et Mélinée Manouchian fixent la salle. Comble. "Ils étaient 23 étrangers et nos frères, pourtant ", rappelle le grand écran. Face aux fusils allemands, " Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir, Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant", complètent les mémoires citant Aragon avec la voix de Ferré à la fin de "L’Affiche rouge".
21 février 1944… "Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures", écrit Missak à Mélinée, sa "petite orpheline bien-aimée". "Nous" ? Ce sont ces Francs-Tireurs partisans de la Main-d’œuvre immigrés (FTP-MOI) qui veulent que continue à briller en France la flamme de l’espoir, contre l’occupant. Leur espérance de vie est de trois mois au combat, face à la police française qui les traque. Ils n’en multiplient pas moins les attentats contre les nazis.
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"Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement", poursuit Missak Manouchian. Avec lui, ce mercredi 21 février 2024, ils seront 23 à entrer au Panthéon.
Devant Missak et Mélinée, la table ronde réunit ce lundi soir au conseil régional à l'espace Charles De Gaulle, Jean-Pierre Sakoun, président d’Unité laïque, initiateur de cette reconnaissance nationale, Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine, l’ambassadrice Hasmik Tolmajian, le pianiste André Manoukian, et Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, "la première à avoir milité pour la panthéonisation", souligne André Manoukian. "Parce que l’Occitanie est une terre de résistance", luttant pour "promouvoir les valeurs humanistes […] contre les obscurantismes, la barbarie, l’extrême droite", rappelle Carole Delga, faisant aussi référence à Jean Jaurès qui, dès la fin du XIXe siècle, prit la défense des Arméniens face aux premiers massacres ottomans.
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Ce lundi 19 février, chacun éclaire alors tour à tour l’exceptionnelle personnalité de Manouchian et rappelle que sa mort, hier, parle aussi d’aujourd’hui, lorsque les droites populistes recommencent à criminaliser "l’étranger" ou que l’Azerbaïdjan attaque l’Arménie.
"Un universaliste"
Missak Manouchian : "Orphelin du génocide arménien qui donne sa vie à la France par amour pour l’idéal qu’elle représente", résume en substance l’ambassadrice. Un menuisier "apatride" à qui l’école, au Liban, a révélé les Lumières, la Révolution, la République, la Liberté, l’universalisme et la littérature, la poésie : Hugo, Lamartine et Verlaine qu’il traduira en arménien.
Communiste, internationaliste, oui, pointe Pierre Ouzoulias au sens aussi où "Missak Manouchian, c’est quelqu’un qui fondamentalement est un universaliste […] quelqu’un qui pense que les êtres humains sont d’abord semblables avant d’être différents et que ce qui les rassemble, est bien supérieur à ce qui les sépare. Que ce rassemblement doit s’effectuer non pas sur des bases ethniques, religieuses, raciales ou autre, mais sur des bases politiques pour construire ensemble une société de citoyens", résume Jean-Pierre Sakoun.
Définition de la République française sur laquelle tous se retrouvent. Et l’immense symbole que Manouchian porte donc aussi au Panthéon avec cet autre "cortège d’ombres" ; ces résistants venus de la République espagnole, d'Italie, d'Arménie, combattants juifs hongrois, roumains, polonais qui ont pris les armes contre le fascisme, le franquisme, le nazisme, le pétainisme parce qu'ils ont fait le choix d'un combat transcendant, le choix d'une humanité pour eux incarnée par la France de Marianne.
Missak Manouchian signe ainsi "Michel Manouchian" sa dernière lettre et rejoint désormais JeanMoulin à l’heure des bateleurs nostalgiques de Pétain, des autocrates revendiquant l'ordre pour mieux pourchasser la justice. "Je meurs en soldat régulier de l’armée française de la libération" écrit-il "sans haine pour le peuple allemand". La nationalité française ne s’hérite pas. Elle se mérite. Par le sang versé pour l’idéal républicain aura aussi rappelé l’hommage aux "Vingt et Trois".
"Héros de notre histoire commune"
Carole Delga : "C’est un immense honneur et un grand devoir de faire vivre la mémoire de Missak Manouchian, et avec lui, la mémoire du groupe des 23 résistants. Ce sont des héros, des héros de notre histoire commune et collective […] La lutte contre le totalitarisme est toujours d’actualité. Ce totalitarisme peut changer de nom, de visage mais il a toujours le même but : abattre la démocratie, abattre Alexeï Nalvany en Russie, abattre Mahsa Amini en Iran, abattre la rédaction de Charlie Hebdo."
Hasmik Tolmajian : "C’est une très grande fierté pour l’Arménie, les Arméniens. Et cette histoire parle à la jeunesse. Tous les ans, au Mont Valérien, il y a la commémoration de l’exécution de Missak Manouchian et de ses camarades d’armes. Cette lettre sublime est lue par des élèves et à chaque fois, des larmes coulent."
Pierre Ouzoulias : "Il est fier aussi de devenir Français non par le sang reçu mais par le sang versé. Il dit aussi à ses bourreaux « Nous avons mérité la nationalité française. Vous l’avez héritée, et nous, nous l’avons méritée. Ça montre aussi à quel point la France est un idéal."
André Manoukian : "Son combat contre le nazisme, contre le fascisme, contre la barbarie est un combat où l’Arménie et la France, ses deux patries sont aussi liées, sa patrie de cœur, sa patrie d’accueil, les deux sont menacées…"
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