ENTRETIEN. Guerre en Ukraine : "La Russie est dans une optique de vengeance, si ce n’est pas maintenant ça sera plus tard"
Dans un entretien à la chaîne de télévision italienne Rai News 24, Volodymyr Zelensky estime notamment que "les armées européennes ne seront pas prêtes (à un nouveau conflit armé avec la Russie, NDLR) et que ce sera un choc". Décryptage avec Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la Revue Défense nationale.
Dans de récentes déclarations, le président de l'Ukraine, Volodymyr Zelensky se préoccupe de la réponse de l'Europe si la Russie lançait de nouvelles attaques et exprime quelques inquiétudes. L'expert Jérôme Pellistrandi apporte quelques explications.
Votre première réaction lorsque vous entendez ces mots ?
Je pense qu’il faut voir deux choses dans ces déclarations. D’un côté il y a les changements d’un certain nombre d’autorités politiques et militaires en Ukraine actuellement. La deuxième c’est que les armées européennes, qui font partie de l’OTAN, ont pris la mesure de ce qu’il se passe en Ukraine depuis deux ans. La question est davantage du côté des opinions publiques que des outils militaires selon moi.
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Volodymyr Zelensky tente-t-il de maintenir l’alerte ?
Exactement. Avec une interrogation majeure : que se passera-t-il en novembre si Donald Trump est élu aux États-Unis ? L’Europe seule devra assumer une responsabilité majeure face à une Russie qui, à défaut d’être conquérante, voudra se venger. La Russie n’a pas réussi son opération spéciale militaire, mais l’Ukraine n’a pas gagné. La Russie est dans une optique de vengeance, si ce n’est pas maintenant ça sera plus tard. C’est ce qui est très dangereux et ce que doit craindre Volodymyr Zelensky.
Faut-il réellement redouter une nouvelle grosse offensive de la Russie ?
C’est compliqué parce qu’il y a notamment les élections de mars en Russie. Ce qui n’exclut pas qu’au printemps ou cet été la Russie puisse relancer une offensive terrestre assez importante pour consolider l’espace contrôlé en Ukraine. À l’heure actuelle, nous sommes dans une impasse stratégique. Les Ukrainiens n’ont pas réussi leur contre-offensive, la Russie grignote mais n’avance plus.
L’Ukraine est-elle fragilisée ?
Il y a une véritable inquiétude en Ukraine concernant le maintien des aides européennes. Car on voit bien qu’il y a une grande lassitude de l’opinion publique, y compris ukrainienne. Je prends un exemple : au départ du conflit il y a eu un énorme élan de volontariat pour aller combattre en Ukraine. Deux ans après, ce dernier s’est essoufflé. Ce sont les raisons pour lesquelles Zelensky met la pression. Le fait que les pays européens annoncent des calendriers avec des dates de livraison d’armes, avions, etc… Ce sont des signaux envoyés à la Russie pour dire qu’on donne des moyens à l’Ukraine. Mais ces moyens ne permettront pas, pour l’instant, de renverser la vapeur.
"La guerre peut arriver parce que nous avons affaire à Poutine", a aussi déclaré Zelensky. Est-ce que certains l’oublient ?
La problématique c’est qu’une actualité en chasse une autre. Pour l’opinion publique, notamment des pays de l’ouest, c’est un peu devenu une guerre de tranchées qui perd de l’intérêt. On est dans une routine de la guerre et ça peut durer longtemps…
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Comment faire pour se préparer à une nouvelle attaque de l’armée russe ?
Il faut déjà que les chefs d’États européens soient bien conscients de la menace. De nombreux pays augmentent leurs budgets de défense et se réarment. Mais pour fabriquer un blindé, par exemple, il faut 18 mois. Ça prend du temps. Certains gouvernements européens se posent aussi la question du retour du service militaire comme l’Allemagne ou la Suède. Je crois que tout le monde a conscience que la menace russe est partie pour durer, en tout cas tant que Poutine est vivant.
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