"C'est une tendance mondiale qui s'invite dans nos verres" : le groupe Vivadour se lance dans la production de vin désalcoolisé
Le marché du vin sans alcool se développe. Si certains professionnels sont encore sceptiques, le groupe coopératif Vivadour y croit et lance un centre de développement et de production de vins désalcoolisés.
Depuis plusieurs années, le mois de janvier est désormais associé au mois sans alcool, le dry january. Il s'agit d'une initiative de santé publique qui consiste à ne pas boire d'alcool durant le premier mois de l'année. Une initiative qui confirme une tendance générale, celle de la consommation d'alcool qui diminue d'année en année. Entre les années 1960 et 2022, la consommation individuelle moyenne de vin des Français a chuté de plus de 60% selon le Cniv, le comité national des interprofessions de vins.
Le groupe coopératif gersois Vivadour a donc choisi de s'adapter à cette tendance en créant un centre de développement et de production de vins désalcoolisés. Le centre est en cours d'installation à VIc-Fezensac. Une marque a été créée, "Chai sobre", et sera présentée au Wine Paris, le grand salon des vins et spiritueux qui se déroule du 12 au 14 février prochain.
"Aujourd'hui, on constate que c'est une tendance mondiale qui s'invite dans le verre et qui arrive en France. Depuis plusieurs années, on voit que la consommation de produits sans alcool est en nette augmentation. Elle n'est que le reflet d'une prise de conscience généralisée sur la consommation d'alcool, de lobbying également", explique Pascal Dupeyron, directeur du pôle viticole chez Vivadour. "On est sur un bassin de blanc, la commercialisation se passe encore bien aujourd'hui mais on doit anticiper et s'adapter à ces nouveaux modes de consommation", poursuit le directeur.
70 à 80000 hectolitres par an
Il s'agira d'une activité de prestation de service pour les clients de Vivadour qui s'intéressent à ce marché. "Environ la moitié de nos clients s'interrogent déjà et sont intéressés. La désalcoolisation se fait aujourd'hui en Espagne, en Belgique ou en Allemagne. Avec ce centre, nous pourrons proposer cette activité à nos clients".
Aujourd'hui, Vivadour c'est 3500 ha de vignes et 300 adhérents. Le groupe coopératif envisage à moyen et long terme de désalcooliser un peu plus de 30% de sa production. "Le site sera dimensionné pour, dans le futur, désalcooliser entre 70 et 80000 hectolitres de vin par an. C'est un marché encore petit aujourd'hui, mais qui progresse tous les ans".
Et les vignerons dans tout cela ? C'est une initiative qu'ils regardent d'un bon œil, assure Pascal Dupeyron. "Le vin sans alcool n'est pas en opposition avec le vin classique. On est à l'aise avec les viticulteurs. Pour avoir un bon vin sans alcool, il faut que le viticulteur continue à prendre soin de son vignoble et nous amène des vins de qualité. c'est à base de vins qualitatifs que l'on fait du bon vin sans alcool. Le travail ne change pas. c'est juste le processus de désalcoolisation qui intervient. Plus on a un vin aromatique à désalcooliser, et plus notre vin sans alcool sera qualitatif".
"Encore trop tôt"
Du côté du syndicat des vins de Gascogne en revanche, on "observe" et on attend, comme l'explique le directeur Alain Desprats. "C'est un axe de réflexion. Mais avant tout, notre priorité actuellement, c'est de mieux mettre en valeur le fait que nos vins sont déjà naturellement légers en alcool, autour de 10/11°. C'est ce que demande aujourd'hui le consommateur, et nous avons pour ambition de proposer des vins encore plus légers, autour de 7-8°".
Pour le syndicat, c'est encore trop tôt pour penser à produire du vin sans alcool. "On suit tout cela, on s'intéresse à la pratique. On observe ce qu'il se fait, on goûte. Il y a encore très peu de références sur le marché. C'est très bien qu'il y ait une alternative, c'est une bonne chose que ce marché se développe. Mais c'est encore trop tôt pour s'y engouffrer", conclut Alain Desprats.
L'avis des cavistes sur le vin désalcoolisé
Qu'en est-il dans les rayons des professionnels du vin? Deux cavistes auscitains ont accepté de donner leur avis sur le vin désalcoolisé. Deux avis bien différents. "Je ne suis pas du tout convaincu", dit tout de go Laurent Chevalier, le patron de la Cave de Louise avenue d'Alsace à Auch. "J'en ai goûté maintes et maintes fois, et franchement il vaut mieux boire un bon jus de raisin que du vin sans alcool. Peut-être que cela va évoluer, mais jusqu'ici rien ne m'a séduit, et tant qu'il n'y aura rien de séduisant, il n'y en aura pas dans ma boutique. Je ne demande qu'à ce qu'on me donne tort, mais pour l'instant cela répond un peu à une mode et un lobbying médiatique selon moi. Des vins un peu moins alcoolisés ça existe, mais de là à faire des vins à 0°, le chemin est encore long je pense".
Les producteurs de bières ont depuis longtemps pris ce virage du "sans alcool". En témoignent les nombreuses références présentes chez l'enseigne V&B. "Dès l'ouverture, on a commencé par 4 bières sans alcool dans notre cave. On est aujourd'hui à 8. Et du côté bar, nous avons aussi de la bière sans alcool à la pression. Nous avons aujourd'hui un cidre sans alcool, et du vin rosé et blanc effervescents et du rouge désalcoolisés, ainsi que des cocktails et spiritueux", détaille Emmanuel Dufour, le responsable du V&B. Un parti pris assumé. "On y croit. Si cela existe avec les bières depuis longtemps, c'est assez novateur sur les vins. Il y a un intérêt et un marché pour cela, donc on joue le jeu. Même si je pense que sur le vin désalcoolisé c'est encore difficile de s'approcher de ce que l'on connaît, mais cela peut encore évoluer".
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